Le droit à l'indignation

Ce journal a pour vocation de combattre la résignation et de proclamer le droit à une saine indignation. Inutile peut-être, mais néanmoins nécessaire, pour ne pas se laisser happer par ce que l'on veut nous présenter comme normal, pour résister, par le verbe seul, à la fatigue de la langue et des mots. Ce lieu n'est pas celui des propositions constructives, mais de la rhétorique, parfois enflammée, parfois facile, toujours sincère; le lieu de la colère, qui ouvre le débat au lieu de l'enterrer. Indignons-nous, mes amis, utilisons ce droit qui ne coûte rien et que personne, pour l'instant, ne peut nous retirer!

jeudi 27 mai 2010

Le lamento du locataire (en vers de mirliton)


Légère et insouciante, je marchais dans Paris
Profitant du soleil, sentant venir l’été,
Je guettais, nez au vent, les panneaux « à louer »
Cherchant un nid d’amour pour moi et mon chéri

Quel bonheur, me disais-je, je vais sûrement trouver
Un petit lieu charmant, trois pièces, ascenseur,
Cuisine aménagée, gardant encore l’odeur
Des tendres petits plats avant nous préparés !

Dès les premières annonces, il me fallut bien voir
Que tout n’allait point être si rose que cela
Les prix étaient élevés, les étages bien trop bas
Ce n’était que l’orée de mes nombreux déboires.

A la première visite, nous étions des milliers,
Troupeau bien maladroit, armé de parapluies
Adossés côte à côte sur des murs vert-de-gris
Remplissant à la hâte des piles de dossiers.

Quant aux propriétaires, agents et mandatés,
Ils se laissaient flatter par cette bien humble cour
Répondant aux questions, criant « chacun son tour ! »
Arrogants souverains d’une pauvre humanité.

Un petit homme jovial, court et ventripotent,
Lorsque je lui avouai le but de ma visite
Me regarda, penaud, et dit, combien de temps
Durera votre amour avant qu’il ne vous quitte ?

Je vous demande cela, comprenons-nous, ma chère,
Non pour mettre mon nez dans vos petites affaires
Mais parce qu’il n’existe de relation qui vaille
Que celle qui résiste jusqu’à la fin d’un bail.

Outrée, je répondis, les yeux pleins de colère,
Enfin, mon bon monsieur, je suis fonctionnaire (attention à la diérèse)
Je ne me laisserai pas abuser de la sorte
Mon dossier est complet, ouvrez-moi donc la porte !

Il me laissa partir, non sans m’avoir prévenue
Vous êtes fonctionnaire, cela, je l’ai bien vu
Mais avec ce salaire, mon Dieu, ma chère enfant,
Vous feriez bien ma foi de vous prendre un amant.

Mon ire dans la rue alla en grandissant
Je me jurai d’écrire à toutes les gazettes
Dénonçant ce système, ce scandale, ce casse-tête,
De demander enfin le droit au logement.

Armée de ces principes, je me mis à ma table
Prête à me déchaîner contre ce coup pendable
Quand soudain – une sonnerie – mon Dieu, le téléphone !
Je répondis « Allo », entendis une voix d’homme.

Ma chère demoiselle, le dossier m’intéresse
Etes-vous toujours prête à changer votre adresse ?
Mes belles résolutions aussitôt envolées
Je répondis : « Oh oui ! Quand puis-je avoir les clés ? »

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