Le droit à l'indignation

Ce journal a pour vocation de combattre la résignation et de proclamer le droit à une saine indignation. Inutile peut-être, mais néanmoins nécessaire, pour ne pas se laisser happer par ce que l'on veut nous présenter comme normal, pour résister, par le verbe seul, à la fatigue de la langue et des mots. Ce lieu n'est pas celui des propositions constructives, mais de la rhétorique, parfois enflammée, parfois facile, toujours sincère; le lieu de la colère, qui ouvre le débat au lieu de l'enterrer. Indignons-nous, mes amis, utilisons ce droit qui ne coûte rien et que personne, pour l'instant, ne peut nous retirer!

jeudi 9 septembre 2010

Ministre fantôme

En Italie, Claudio Scajola, Ministre du Développement Economique du gouvernement de Silvio Berlusconi, a démissionné en mai dernier suite à des accusations de corruption. Depuis, ce Ministère est dirigé par.... Silvio Berlusconi, qui en assure l'interim. Cette situation a suscité cet été de nombreuses critiques, tant ce poste semble important en cette période de crise économique. Comment le Président du Conseil peut-il remplir ses fonctions, et gérer en même temps l'un des postes-clé de son gouvernement? De mauvaises langues sont même allées jusqu'à affirmer que, le Ministère du Développement Economique devant bientôt rendre des arbitrages en matière d'audiovisuel, Berlusconi aurait sciemment retardé le remplacement du ministre pour pouvoir s'occuper en personne de ce domaine qui lui tient particulièrement à coeur. Mais nous ne nous laisserons pas aller à de pareilles calomnies, d'autant qu'après tout, cela ne nous...... regarde pas.

En France, une telle situation ne manquerait pas d'enflammer l'opinion, de donner naissance à moult débats d'idées d'une élévation sans faille, et de mener à une rapide résolution de la part de notre "République exemplaire." Car chez nous, tous les ministères sont pourvus. Des hommes et des femmes travaillent sans relâche à l'amélioration de la vie de leurs concitoyens, allant chercher la croissance avec les dents quand c'est nécessaire, et n'hésitent pas à aller taper dans le portefeuille de vieilles dames fortunées pour y trouver l'argent nécessaire à retrouver la Grandeur de la Nation.

Je voudrais donc rendre hommage à ces martyrs de la République, et surtout à ceux qui n'ont pas les honneurs des journaux télévisés. Je pense en particulier à notre Ministre de la Relance, Patrick Devedjian, nommé en décembre 2008 et dont nous sommes sans nouvelles depuis à peu près cette date. Si Scajola a démissionné, Devedjian est, pour autant que l'on sache, toujours en poste. Pourtant, on ne le voit pas, on ne l'entend pas. Le site du Ministère nous informe qu'il sera en déplacement dans le Cher et dans la Nièvre le 10 septembre prochain. Oyez, Français, et rendez vous donc tous sur le chantier de la déviation de Moiry (RN7) pour manifester votre soutien à cet infatigable travailleur de l'ombre. Assez des Hortefeux, Besson, Lagarde et autres premiers de la classe, que l'on voit toujours à la droite du Président. Je veux ici célébrer les Ministres-fantôme, ceux qui ont disparu au cours de l'épopée triennale de notre Bienveillant Leader. Les Amara, les Yade, les Devedjian, tous ces ministres et sous-ministres assis sur les strapontins du gouvernement, que l'on imagine, les yeux battus, le teint bistré, s'atteler à leur tâche quotidienne sans même l'espoir de se voir récompensés par un petit coup de blush et une caméra.

J'ai envie de crier: "Patriiiiiick!" Et de l'imaginer, notre Relanceur national, dans les boyaux de notre Pays, errant comme une âme en peine de déviation en rond-point, de rénovation de commissariat en inauguration de barrage, les doigts brisés par les milliers de serrages de pogne, toujours à la recherche du Saint Graal, entièrement dévoué à sa mission, celle de trouver, quelque part entre la restauration du portail de l'église de Chassenard et la rénovation du mur de la guinguette de la RN85, le petit bouton: "Redémarrer."

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